Mardi 28 Mars, nous, élèves de l’atelier Science-Po, avons eu la chance de rencontrer Ferhat Bouda un photographe très talentueux qui nous a partagé quelques anecdotes sur sa vie et son expérience. La rencontre était passionnante et instructive tout en étant d’une grande simplicité tout comme le photographe qui était très ouvert. Ce fut un bon moment de partage et d’apprentissage.
Ferhat Bouda : citoyen du monde
Ferhat Bouda est un photographe kabyle, né en Algérie. Venant d’une famille de paysans, il décide de quitter son pays en 2000 avec un objectif en tête : réaliser le souhait de sa grand-mère qui est d’avoir un film en langue kabyle. L’officialisation de cette langue lui tient très à cœur et il milite pour celle-ci.
Sa première destination fut la France et plus précieusement Paris où il a travaillé en tant qu’ouvrier du bâtiment pour gagner un revenu modeste qui lui permettrait plus tard d’atteindre son objectif. Un an après son arrivée en France, Ferhat Bouda tombe par hasard sur un appareil photo sur un chantier où il travaille. C’est alors le début de son aventure dans le monde de la photographie. “Quand je suis arrivé à Paris et que j’ai commencé la photographie j’avais l’impression d’être le seul à faire des photos“.
Lors de ses temps libres, il se rend au centre Pompidou où il se cultive et étudie entre autres l’art du cinéma et la littérature.
Il rencontre alors une allemande qu’il décide de suivre jusqu’à Francfort où il vit aujourd’hui.
Un photographe engagé
Avec l’argent qu’il récolte, le photographe peut alors voyager et trouver son identité artistique. “Je pars, je fais des photos, je suis mon instinct“. Ses photos nous montrent la simplicité des peuples berbère et des nomades de Mongolie. “La photographie, c’est écrire avec la lumière, raconter une histoire sans barrière de la langue“.
Le photographe aime immortaliser des endroits reculés, ne pas montrer les populations comme des “pauvres” mais les montrer comme ils sont aussi simplement que possible. Il aime les prendre en photo car ce ne sont pas des peuples influencés par les médias et dont la culture unique est préservée.
C’est cette authenticité qui à poussé le photographe à partir en Mongolie, un voyage qui l’a marqué.
Ferhat Bouda est émerveillé par la liberté des nomades et est très touché par la disparition progressive de ce mode de vie. Il nous a expliqué qu’en Mongolie les paysans quittent leur vie de nomades pour « s’enfermer » dans les villes ou du moins en périphérie. La capitale est partagée en deux : la ville et le ghetto. Le contraste est très important et Ferhat Bouda a réussi à nous le montrer avec des photos à la fois poignantes et magnifiques.
Le photographe nous a parlé de ce mode de vie particulier et ce fut impressionnant. Nous avons notamment appris que les nomades changent d’emplacement environ 20 fois par mois, que le mode de vie est très dur du fait du climat (tempêtes de neige et de sable) et nous avons aussi appris le rôle des enfants en Mongolie. Ces derniers sont appelés à travailler tout comme les adultes dans les élevages, les usines ou encore dans les centres de tri ou des décharges.
Photographie de Ferhat Bouda/ Agence VU’ Paris
Certains enfants se retrouvent même orphelins car abandonnés par leurs parents. Ferhat Bouda en a rencontré quelques uns qui se réfugiaient sous terre où ils trouvaient un peu de chaleur grâce à des tuyaux d’usine.
Photographie de Ferhat Bouda/ Agence VU’ Paris
Après nous avoir montré son travail sur la Mongolie, le photographe nous a montré celui qui porte sur le peuple berbère. Ces photos nous montrent le milieu dans lequel il a grandi. Il nous a donné par la même occasion quelques anecdotes comme par exemple le fait que lors de la séparation de deux personnes mariées, c’est l’homme qui quitte automatiquement le domicile en y laissant tous ces biens ou encore le fait que lorsqu’une personne commet un crime elle est jugée pas le village et la plus lourde peine serait une sorte de mise en quarantaine, c’est à dire qu’aucun habitant n’a le droit de lui parler.
Photographie de Ferhat Bouda/ Agence VU’ Paris
Le travail de Ferhat Bouda est reconnu internationalement, en 2016 il remporte le prix Pierre et Alexandra Boulin puis un second prix en Allemagne. Mais c’est aussi sa simplicité et son engagement que nous retiendrons
C.P 1er L
Petit Interview de Ferhat Bouda
– Pourquoi photographier en noir et blanc?
“Je pense en noir et blanc, je peux voir les traits la composition, les lignes etc. Quand j’ai commencé la photo je ne connaissais pas l’histoire d’une photo“
– Comment sélectionnez-vous vos photos?
“La sélection est très compliquée, je les affiche sur un mur et quand certaines tombent je les jette“
– Quels sont les langues que vous parlez?
“je parle berbère, allemand, français et un peu italien et espagnol“
– Comment faites vous lorsque vous allez dans des pays où vous ne savez pas parler la langue?
“il faut un interprète, dans la photographie on appelle ça un fixeur“
– Pourquoi ne pas partir en tant que journaliste?
“Je préféré partir en tant que touriste pour ne pas avoir de fixeur imposé par l’Etat qui pourrait me freiner comme un baby-sitter“