La situation tendue en Guyane a fait beaucoup parler d’elle dans l’actualité. Mais que se passe t-il exactement sur ce territoire ? Quelles ont été les raisons de cette colère ? Quels sont les acteurs impliqués dans le mouvement ? Et finalement quelles ont été les issues de cette grève ?
Répondons à ces problématiques par étape. Premièrement faisons le point sur les inégalités des différents secteurs économiques et sociaux présentes sur le territoire. Chômage record, insécurité chronique, accès aux soins limité sont le quotidien des Guyanais. En effet une étude du journal « Le Monde », dans un article datant du 27/03/17 de la rubrique « Les Décodeurs » nous apprend que concernant les jeunes, seulement 12% ont leur bac. Que les 22,3% de taux de chômage sur le département regroupe 40% des 15/24 ans. Et cela se retrouve aussi dans la consommation, D’après un rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publié en 2015, les prix à la consommation y sont supérieurs de près de 12 % à ceux de la métropole. Cet écart s’est réduit depuis 2010 mais il reste très important sur les produits alimentaires, 45 % des biens à la consommation sont plus chers en Guyane qu’en France métropolitaine, et sur les logements car ils sont en moyenne 20 % plus chers. Pour ces biens, ce « surcoût » s’explique par deux facteurs : un marché local peu développé et la taxation des produits importés, ces derniers sont notamment soumis à la taxe de « l’octroi de mer », qui vise à protéger le marché local contre la concurrence des productions extérieures mais pénalise et renchérit le coût de la vie. La situation sanitaire du pays est déplorable, car on y compte 2 fois moins de médecins par rapport à la métropole. Mais le plus important est le problème de l’insécurité en forte expansion sur le territoire. Les chiffres témoignent notamment d’une violence plus importante qu’en métropole : en 2016, près de 3 fois plus de violences volontaires, 4 fois plus de vols violents sans arme et 13,5 fois plus de vols avec arme. Tous ces facteurs ont conduit à la grève générale, menés par le collectif des « 500 frères ». Ses leaders et meneurs du mouvement sont vêtus de noir et cagoulés, leur but étant d’attirer l’attention et faire entendre la voix du peuple. Dès les débuts de la grève, le 25 mars 2017, un appel au gouvernement est lancé, s’en suit la venu du Ministre de l’Intérieur, Mathias Fekl et de la ministre des Outres Mers, Ericka Bareigts. Des excuses de la part du gouvernement français seront adressés au peuple guyanais le 30 mars, ce qui a permis le reprise des négociations dans le calme. Le collectif « Pou Lagwiyann dékolé » (« pour que la Guyane décolle », en créole)
exige un plan d’aide financier d’un montant de 2,5milliards d’euros, « non négociable », en rejetant donc le plan d’urgence de 1 milliard prévu par le premier ministre Bernard Cazeneuve. Les manifestations reprennent donc, notamment dans la ville de Kourou. Le Centre spatial de Kourou, constitue le poumon économique et industrielle de la Guyane, le centre est le principal moteur de la croissance de la région car il représente 16% du PIB et 9000 emplois. Malgré ce succès, l’économie guyanaise se porte mal. Dans le reste du territoire, ces rassemblements bloquant l’accès aux routes et commerces fragilisent la situation déjà instable économiquement, des commerçants voient leur chiffre d’affaire chuté, et une reprise de leur activité serait bienvenue pour sauver leur activité. Les écoles sont également fermées. Le mouvement dure depuis presque plus d’1 mois, les collectifs attendent des réponses et le gouvernement cherche toujours à un retour au calme. Les négociation ont donc porté leurs fruits, « l’accord de Guyane » a été signé le vendredi 21 avril 2017, la demande de 3 milliards prévus par le collectif a été acceptée. Celui-ci prend en compte le « plan d’urgence » de 1,86 milliards de la part du gouvernement, dont 250 millions d’euros pour construire cinq lycées et dix collèges en cinq ans, 300 millions pour une quatre-voies et le doublement d’un pont, 212 millions en faveur de la Collectivité territoriale de Guyane, la construction d’une cité judiciaire à Cayenne et d’une prison à Saint-Laurent-du-Maroni, des renforts de policiers et gendarmes.
Concernant le reste des 2,1 milliards l’Etat « s’engage à ce que ces mesures fassent sans délai l’objet d’un examen prioritaire (…) pour programmer un plan additionnel d’investissement et de fonctionnement ». Puis coup d’éclat, les grèves ont reprises, notamment chez EDF, des salariés grévistes ont pris le contrôle de deux sites stratégiques qui pilotent l’alimentation électrique, a fait savoir la direction en précisant que ces salariés ont provoqué des « coupures de courants volontaires ». Une autre grève, elle aussi portée par l’Union des travailleurs guyanais (UTG), perturbait encore vendredi le centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne (CHAR). A EDF, « le mouvement social s’est durci », a constaté le porte-parole d’EDF, Philippe Lahari, selon lui, 7 100 clients ont été privés de courant jeudi à Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni et Cayenne.
Dans ce contexte, une telle crise peut-être difficilement exportable à la Réunion, le déclencheur étant l’insécurité de ce DOM.
Lucas Damour, 1er ES